Saoulés de discours, de points de vue, d’opinions, saoulés de stratégies, défaits des petites phrases, des réactions, des sondages, rincés de toutes les prises de paroles et malgré tout on remet ça, L’Oral et hardi — soigner le mal par le mal ! Avec l’apostrophe ! La logorrhée comme dépuratif, sans retenue. Administrer l’allocution poétique l’Oral et Hardi dans tous les théâtres, en plusieurs doses et sous l’assistance respiratoire de Jean-Pierre Verheggen, monument, maître phénoménal de l’assonance et du jeu de mots, vrai-faux charlatan de la poésie : Embarquez-vous pour ne plus vous taire, hurle Verheggen dans les tourmentes. C’était d’un autre temps déjà, hérité des hyperboles contestataires situationnistes, et cette démesure-là nous rassure. L’excès ne nuit pas toujours.
https://dev.benjamindumond.fr/faisan/v4/fr/admin/pages/spectacles/loral-et-hardi#
«Ouf, c’est la délivrance il était temps ! Il faut, en effet, pouvoir s’arrêter au bon moment ! Savoir se tirer quand ça commence à bien faire et à lasser les gens mais insister quand ça commence à faire du bien !» (extrait de Manifeste cochon / Ridiculum vitae).

Parlure ou parure ?
Tous ces mots bousculés, assemblés, tous ces parlers, cette oralité féconde émergeant des villages et des lieux-dits. Ou des quartiers… cette science déclarée « populaire et poétique », c’est à un auteur belge que L’Oral et hardi en doit l’origine. Un titre duo pour un spectacle solo reçu dans les rires et la tonicité d’une vraie découverte. Jean-Pierre Verheggen, c’est lui, natif de Gembloux près de Namur, expert des sons et des saveurs fortes, Hercule forain du jeu des mots et de l’ouissance (sic). Il allie la truculence à l’érudition joyeuse, accessible, inventive et contagieuse. C’est un conteur Verheggen et plus encore… ce monsieur est « un gros poète ». Sa parole est subversive, cinglant les modes asséchantes du marketing, singeant les pros du parler creux. Les textes regroupés dans ce montage couvrent plusieurs années d’une écriture abondante publiée en grande partie chez Gallimard, située parmi les toutes premières dans l’édition poétique française.
incipit Stan L'Oral :
On peut écrire ce qu’on veut sur l’œuvre de Jean-Pierre Verheggen, qu’elle est grandiose, unique, féconde ou fondatrice, provocante, réjouissante, inégalable, publiée, consultée et reconnue par tous les grands lecteurs de poésie contemporaine ou les vrais amateurs d’artet de sensations fortes, il reste toujours à la faire entendre. La livrer en scène. « La langue m'échappe depuis toujours. Je n'arrive pas à la saisir. Je confonds tout : Freud et Fred le danseur de claquettes ou, aujourd’hui, Tintin et Desmond Tutu, Madame Bovary et Monsieur Bovidé. Ou Tirésias et Mamelle, j'en passe et des plus belges » JPV, c’est moi l’Oral lui c’est l’Hardi, cette mésaventure des lapsus et des sons, cette faute de frappe au bord des lèvres nous ressemble. Plus rare est l'idée de s'obstiner dans l'erreur et d'en faire quelque grande chose. Cela donne dans mon coin du Nord le personnage de Jules Mousseron — Zeph Cafougnette, celui qui Cafouille — joué pendant des années avec La Fanfare. Qui me renvoie outre-frontière à Verheggen lorsqu'il déclare : « Je suis un handicapé de la langue, un languedicapé de naissance. » L'oral et Hardi, discours de campagne d’un éventuel non candidat entamé au gré des festivals d'été, prolongé en soirées-concerts jusqu'à devenir allocution poétique à la maison de la Poésie à Paris, à la Bastille et partout ailleurs en tournée. L'oral et Hardi, portrait de l’artiste en Hercule de foire, regroupe quelques grands textes étonnants de Verheggen, ses odes homériques, ses harangues, ses transes linguistiques, ses morceaux de bravoure, ses discours manifestes. Jean-Pierre a le goût du grand souffle épique, même quand ses thèmes ont allure de jeux de mots. Marcel Moreau a raison d’écrire qu’il est « une sorte de bienfaiteur » et d'ajouter : «pourtant, il a de quoi faire peur, avec son couteau à découper le vocabulaire, avec sa scie à tronçonner la syntaxe, avec ses tâches de grammaire sur son tablier. Mais voilà, ce n’est pas un boucher. » Verheggen s’est lancé depuis quarante ans dans la grande aventure de l’ouissance. Poète phénomène poète énergumène, il est l’inventeur d’un genre nouveau, l’opéra bouche. (Jacques Bonnaffé).

à propos de Jean-Pierre Verheggen
Né en 1942 à Gembloux en Belgique. Français et wallon se côtoient et se mêlent dans son oeuvre comme dans sa vie. Ex-professeur de français, ex-animateur radio belge, ex-membre de l’ex-groupe littéraire TXT- avant-garde radicale de l'entreprise "textuelle". Ex-sex symbole des années soixante, ex-conseiller du Ministre de la Culture dans son pays. Jean-Pierre Verheggen vit actuellement à Bruxelles, après avoir travaillé à la Promotion des Lettres de la communauté française de Belgique. En 1995, il a reçu le Grand Prix de l’Humour Noir pour l’ensemble de son œuvre et plus particulièrement pour Ridiculum Vitae (La Différence, 1994) reparu et précédé d’Artaud Rimbur (1990) dans la collection Poésie/Gallimard (2001). Il est parmi les auteurs contemporains vivants, l'un des plus vendus en librairie, et son activité s'est longtemps partagée entre ses temps d'écriture et ses interventions publiques, ses lectures et performances.
Extraits du Matricule des Anges :.
Tout unique qu'il est, Verheggen est l'héritier d'une belge filière confondante d'alerte gaieté. On la nomme parfois la Belgique sauvage car elle vit grandir André Blavier, Noël Godin l'entarteur... À propos de Verheggen, on songe aussi au plus grand d'entre eux : Louis Scutenaire. Il y a chez Verheggen un débraillé cochon qui confine à la provocation. "C'est un flot, un tourbillon, un maëlstrom où les mots perdent le nord, si ce n'est leur caleçon. Mais Jean- Pierre Verheggen c'est aussi un enfant de Rimbaud qui ne se pousse pas du col et sait bien ce qu'il en est de la gloriole."
En écrivant, pensez-vous à la lecture à haute voix ?. .
Non, pas à ce moment-là mais je sais qu'après je vais lire. Ce qui explique que ce que je lis n'est pas toujours ce qui est écrit. Je peux répéter un mot deux ou trois fois ou bien crier " Allez les vers ! " comme un putois. Cette part de théâtralisation se décide après.
Vous devez posséder une belle collection de dictionnaires ?.
Les rayonnages de ma bibliothèque sont quelque chose de curieux, vous avez raison... Des plans de villes, Londres, New York, un livre sur Satie, des choses variées... pas la littérature habituelle, bien que j'aie ça aussi. La collection Belin et puis des vieux dictionnaires avec des illustrations, des étymologies obscures. Je suis un lecteur de dictionnaires depuis l'enfance. Chez nous, il y avait un dictionnaire aux chiottes et mon père disait pour un mot nouveau " Allez voir au dictionnaire " et on se levait même de table pour le consulter. C'est très formatif ça. Je me plais encore à feuilleter ce type d'ouvrages, plus que les romans. Je ne suis pas un lecteur de romans, ah non, ça me tombe des mains.
On ne peut pas s'empêcher de penser à la Belgique sauvage en vous lisant, et en vous écoutant..
La Belgique sauvage c'est mon héritage. Je ne tombe pas du ciel. Elle existe depuis Charles de Coster, passe par Joosten le dadaïste, un peu moins par les surréalistes, mais par Bar Nicanor, Clément Pansaers, Scutenaire, Marcel Mariën et puis le Daily Bul, Phantomas et André Blavier... Je paye mes dettes, oui. J'ai eu Raoul Vaneigem comme professeur quand j'étais à l'Ecole Normale. Aujourd'hui c'est un de mes grands copains. Il m'a écrit une lettre fabuleuse lorsque Gisèle est morte. Il y disait une chose étonnante : tu sais nous avons tant de mots pour dire le malheur et la mort et si peu de mots pour dire le jour qui se lève alors que le miracle c'est le jour qui se lève. Et c'est vrai qu'on macère vraiment dans un vocabulaire de la défaite. C'est un grand bonhomme. Sa femme est italienne aussi.
Sacrée dose d'humour, que vous détaillez dans Les Folies belgères(Le Seuil, 1990) ?.
L'humour des Belges, tout à fait caractéristique, vient de la littérature aussi bien que de ce qu'Alechinsky avait remarqué, à savoir que les injures du capitaine Haddock étaient semblables à celles qu'utilisait James Ensor dans sa correspondance à l'égard des critiques de son temps. En ce qui concerne la littérature, les Belges sont bons en fantastique et en policier avec Jean Ray, Steeman, Simenon, en BD avec la " ligne claire " et avec des problèmes de langage, toujours. Si on regarde la BD, par exemple, on s'aperçoit que tous les héros satellites, c'est-à-dire le peuple belge, ont des problèmes de langage. Chez Hergé par exemple, Dupond et Dupont sont un pléonasme absolu, Tournesol est toujours un peu plus à l'Ouest, Haddock a une litanie d'injures, la Castafiore n'arrive pas à dire Haddock, mais ça va jusqu'à Spirou où le maire de Champignac parle comme Ponson du Terrail et jusqu'aux Schtroumpfs ! Tout le monde parle schtroumpf sauf le Grand Schtroumpf, c'est-à-dire le roi. Dans Jehan et Pirlouit, la biquette parle à sa façon, Pirlouit n'arrive pas à dire deux mots convenables. Seul Jehan, le héros principal, maîtrise le langage. Les autres sont les poètes, la Belgique sauvage. C'est moi, c'est l'incertitude linguistique, l'inquiétude qui devient forte à partir du moment où elle est assumée. Il faut noter une troisième chose : nous sommes aussi le pays des meilleurs grammairiens, par compensation. Grévisse par exemple. En fait, il y a deux écoles en Belgique, ceux qui miment les Parisiens et situent leurs romans en France et puis cette école qui se ressaisit et, sans en faire une oriflamme, prend en charge cette inquiétude-là.

Quelques articles de presse
(extraits)
« Jacques Bonnaffé est un amoureux des mots et, comme il est d’un tempérament généreux, il a fait fructifier le don de faire partager sa passion. Partant des textes de Verheggen, il a réalisé un spectacle qui tient du burlesque, de l’art du clown, du slam et de l’engagement politique ce qui, en cette période de mépris des politiques pour la culture tient de l’urgence. Son spectacle, littéralement explosif, où il fait preuve d’une truculence rabelaisienne, est un petit régal. […] Elle enchantera un public friand de grandsnuméros d’acteurs, mais aussi des jeunes, qui se délecteront à voir se déchaîner un mec jamais avare de son énergie. » Joshka Schidlow, Télérama
« Coureur de fond et acrobate, Jacques Bonnaffé, avec sa simplicité d’aristocrate de la littérature, nous transmet les folies Verheggen avec un art délicat des nuances […] C’est d’une cocasserie immédiate et cette tension spirituelle ne retombe jamais. […] A la fin, les grands rêveurs, inédit écrit pour « la bouche de Jacques Bonnaffé », est comme une grande bourrasque fantastique qui nous projette au ciel des mots et des étoiles, fourbu, ébloui, heureux.» Armelle Héliot, Le Figaro.
«...Le jeu de Bonnaffé, dont on admire le caractère acrobatique, tient du combat forain, du match de boxe, du dialogue ivre au comptoir, du cri dans la nuit, du chant à tue-tête et de l’adresse au ciel... Somptueusement délirant et fraternel. » Gilles Costaz, Politis
«Bonnaffé, qui a conçu le spectacle à partir de plusieurs livres de Verheggen, aime la parodie sérieuse et l’explosion ininterrompue. La soirée débute comme une fausse cérémonie officielle puis libère ses feux de joie : la vision de l’être humain vivant au plus vif de son corps, les élucubrations du poète se peignant en « Castafiore catastrophique ». Bonnaffé, grandiose, mène un combat ruisselant et, avec ce Rabelais du Nord, porte à la même fusion l’amour et la colère, laissant le spectateur percuté, ébloui, étourdi.» Gilles Costaz, Les Echos.
« Jacques Bonnaffé ne fait décidemment rien comme tout le monde. Il entre en scène en surgissant de nulle part, il s’attarde, bégaie même, engoncé dans un costume gris souris et des souliers vernis [...] Verheggen défie la poésie bien-pensante, raille les académismes de tout poil, pourfend le lyrisme de bon aloi, échafaude des barricades où l’on se jette des mots à la tête pour résister. La langue du poète belge ne renonce pas ; elle devient manifeste pour jeunes gens qu’elle appelle de toutes ses forces à se rebeller, à
prendre d’assaut la langue, la pensée, la vie [...] Car c’est de la vie qui court dans cette poésie, à la fois érudite et populaire, drôle et inquiète [...] » Marie-José Sirach, L’Humanité.